Maiwenn Raynaudon-Kerzerho : journaliste en langue bretonne

Journaliste et rédactrice en chef adjointe du journal Bretons. Elle a suivi le cursus Diwan jusqu’au bac.

Peux-tu te présenter ?
Je suis née en pays nantais et j’habite aujourd’hui à Lorient. Je suis journaliste à Bretons et j’y suis aussi rédactrice en chef adjointe, c’est-à-dire que je participe à l’organisation de l’édition.

Comment as-tu appris le breton ? Quelles études as-tu suivies ?
Je parle le breton de mes parents, la langue bretonne est ainsi ma langue maternelle. Mes parents ont choisi de m’inscrire à l’école Diwan Naoned qui était à cette époque une école récemment ouverte. Pour eux, c’était un moyen de lutter pour leur langue. J’ai de formidables souvenirs de cette école. Au début, nous n’étions que dix élèves, ce qui a créé des liens très forts entre nous et aussi des relations très simples avec les enseignants. Les premières années, je pouvais inviter l’ensemble de l’école à mon anniversaire ! Il n’y avait pas de collège Diwan à Nantes à cette époque, donc arrivée en 6ᵉ, je suis allée dans une autre filière qui proposait une option langue bretonne. C’est à ce moment que j’ai compris à quel point Diwan était une école extraordinaire. Cette ambiance particulière m’a vite manqué. Voilà pourquoi, lorsque Diwan a ouvert un collège à Quimper, juste une année après, j’ai demandé à mes parents de m’y conduire pour ma 5ᵉ. Ensuite je suis allée au lycée Diwan de Carhaix (seul lycée Diwan de Bretagne à cette période) et voilà comment j’ai suivi un cursus complet en langue bretonne jusqu’au bac. J’ai ensuite suivi des études de sociologie à l’université de Nantes puis Sciences Po à Rennes jusqu’au master de journalisme.

Quel est ton parcours professionnel ? Tu as toujours utilisé le breton dans ton travail ?
Oui. Je n’ai pas eu à chercher du travail bien longtemps. J’ai fait un stage à la maison d’éditions Blanc et Noir, qui édite le journal Bretons, afin de terminer mon master 2 Journalisme. Juste après ce stage, on m’a proposé un poste de journaliste dans cette maison. J’ai débuté à mi-temps que j’ai complété avec un poste d’enseignante de langue breotnne à Diwan. J’ai aussi donné des cours du soir. C’est cette expérience qui m’a fait prendre conscience des différences entre langue française et langue bretonne, du fait de devoir expliquer dans le détail les règles de grammaire à mes élèves. Parce que lorsqu’on est bilingue depuis l’enfance, on change de langue et de mode de penser sans même s’en rendre compte. C’est un processus naturel. C’est ce qui m’a motivée à écrire le livre Kenavo ?, où j’explique ces différences culturelles qui existent entre le breton et le français.

Donc, tu n’as pas eu de difficulté à apprendre le français ? Tu n’as pas eu l’impression d’avoir un retard par rapport à d’autres enfants qui eux parlaient français à la maison ?
Absolument pas. Je suis bilingue depuis la petite enfance, car la langue française est partout autour de nous dans la société. Il y avait aussi des membres de ma famille qui me parlaient en français. Nous avions des cours de français à Diwan et tout le monde avait de bons résultats. J’ai lu des études qui montrent même que le niveau moyen en français est meilleur dans les écoles en breton. J’ai aussi l’impression d’avoir eu des facilités pour apprendre d’autres langues. Je parle bien anglais et espagnol. Je n’irais pas jusqu’à dire que je suis quadrilingue aujourd’hui mais je sais qu’il ne me faudrait que quelques mois à vivre à l’étranger pour maitriser parfaitement une de ces langues. Je pense que le fait d’avoir été élevée avec deux langues me permet de penser dans la langue que je veux utiliser au lieu de penser en français et de tenter de traduire ma pensée par la suite.

As-tu remarqué d’autres bienfaits qui te viendraient de Diwan ?
Avoir appris l’histoire et la géographie de Bretagne. Beaucoup de personnes, passionnées par la question, doivent apprendre tout ça dans les livres ou à l’université parce que cette culture n’est pas apprise aux enfants dans les autres écoles ! Pour ce qui est de la géographie, c’était d’autant plus facile qu’au collège et au lycée, les élèves venaient d’un peu partout en Bretagne. J’étais régulièrement invitée à un anniversaire ou à une fête à l’autre bout de la Bretagne ! Ça nous a appris à vite maitriser la géographie régionale et à être autonome aussi, afin de ne pas en demander trop aux parents. L’école Diwan m’a donné l’opportunité de bien connaître la culture bretonne, mais aussi d’être plus curieuse des autres cultures. Par exemple, j’ai pu suivre des cours d’arabe au lycée. C’était une option rarement proposée ailleurs.

Tu as choisi Diwan pour tes enfants aussi ?
Pour moi, c’était une évidence. Je veux que mes enfants aient cette même chance, d’être dans une école où les classes ont de petits effectifs, des relations simples et faciles avec les enseignants, des projets variés. Les écoles Diwan demandent aux parents d’élèves de participer au projet associatif. L’éducation est gratuite à 100% mais nous sommes invités à prendre part à la vie de l’école. L’enseignement des enfants n’est pas un service de grande consommation ! Je sais déjà par exemple que nous allons devoir planter des arbres cet hiver dans la cour de l’école. Mais c’est justement ce qui me plait. Prendre part à l’éducation de ma fille en participant à la vie de l’école. Quand j’étais à Diwan an temps qu’enfant, j’avais trouvé ça merveilleux, d’aller aux festoù-noz ou aux stands de vente de crêpes avec mes parents.

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